Akro69 Admin
Nombre de messages : 293 Age : 42 Date d'inscription : 30/01/2008
| Sujet: Im Kwon-taek- Article parue dans "le monde du 23.07" Lun 11 Aoû 2008 - 10:11 | |
| Né en 1936, Im Kwon-taek a tout connu des vicissitudes de l'histoire contemporaine de la Corée, depuis l'occupation japonaise jusqu'à la démocratisation, en passant par la partition et la dictature. Considéré comme le grand classique de ce cinéma avec une oeuvre qui a abordé tous les genres, il a survécu à tout pour se hisser dans son pays à la stature nationale d'un John Ford. Son nouveau film, le centième, d'une déchirante mélancolie, évoque une préparation aux adieux, quand bien même le cinéaste, à 72 ans bien frappés, et en dépit d'une exquise courtoisie, ressemble à un roc. Le chant du pansori n'est pas un motif nouveau dans votre cinéma, mais il demeure mal connu en Occident. Comment définiriez-vous cet art ? C'est un chant traditionnel populaire, dont l'apprentissage est très difficile. Il nécessite beaucoup de maturité et de méditation. Les artistes qui le pratiquent ne parviennent à sa maîtrise qu'à l'âge de 40, 50 ans. Les chercheurs pensent que sa source réside dans la religion ancienne coréenne, où l'on trouve de forts éléments de chamanisme. Il aurait été adapté ensuite pour devenir une sorte d'opéra populaire. C'est aujourd'hui un art qui est classé au trésor mondial de l'humanité par l'Unesco, mais qui devient chaque jour plus éloigné du quotidien des Coréens eux-mêmes. Il y avait douze récits matriciels pour ce chant, il n'y en a à présent plus que cinq. Quel est l'enjeu de sa présence dans votre cinéma ? Il est très simple, c'est de contribuer autant que faire se peut à sa connaissance hors de Corée. J'aimerais que le monde puisse partager sa beauté et sa profondeur. Je n'étais pas tout à fait satisfait de ce que j'avais fait dans mon film La Chanteuse de pansori, car je m'étais concentré alors sur l'aspect purement musical, qui est particulièrement étrange pour une oreille profane. Le film s'adressait ainsi davantage aux amateurs coréens de ce chant, dont on dit qu'ils sont des "sopranos de l'oreille". J'ai voulu cette fois relever le défi de la transposition du son en matière visuelle, pour accélérer l'affect. Votre consécration est relativement tardive et peu de gens connaissent, surtout hors de Corée, votre première période, qu'on assimile généralement à la série B... Vous voulez dire à la série C ! J'ai réalisé au début de ma carrière une cinquantaine de films comme un fou furieux, sans prendre le temps de m'arrêter ni de penser, pour des raisons qui étaient purement commerciales. Je suis entré dans cette carrière un peu par hasard, dans la Corée de l'après-guerre où la misère était grande. Il fallait tout simplement survivre, d'autant que ma famille, d'origine très modeste, était persécutée pour ses sympathies de gauche, qui étaient à l'époque un crime de haute trahison. Je n'en souhaite pas moins que ces films disparaissent de la surface de la terre, ils sont mon fardeau. Le cinéma coréen a récemment connu une véritable embellie grâce à un système de quotas qui le protégeait de l'hégémonie hollywoodienne. Sous la pression des Etats-Unis, ce système vient d'être remis en cause par votre gouvernement. Que pensez-vous de cette situation ? L'imposition de programmation du cinéma coréen est tombée de 148 à 74 jours par an depuis qu'un nouveau gouvernement, élu en décembre 2007, a concédé ce recul pour obtenir en contrepartie l'aide financière des Etats-Unis. La décision a été unilatérale, le milieu du cinéma n'a pas été consulté, et il n'y a pas eu, contrairement aux précédentes tentatives, de protestations. Si ces chiffres sont maintenus, je pense que les conséquences seront graves. Je suis pour ma part assez pessimiste. Je crois que nous avons baissé les bras face aux Etats-Unis. Propos recueillis par Jacques Mandelbaum, article paru dans le monde | |
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